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La photographie de mode

Défilé Nikos - Journal des Modes - Moscou 1989

Comme rien de ce qui concerne la photographie ne m’est étranger, nous allons nous consacrer ici à la photographie de mode. Comme la mode elle-même, la photographie de mode a toujours été un monde où la beauté occupe une place prépondérante. Dès le 17e siècle, sous Louis XIV, le ministre Turgot a placé le luxe au sommet de la hiérarchie des productions à développer. Le luxe est devenu un élément central du prestige du pouvoir, du pays, de la vision de la société.

Le travail de Turgot a fait de la France une des nations de la Mode. Cela a perduré. Pourquoi la mode ? Parce que le vêtement est un des objets de fixation du luxe. La France n’est bien sûr pas la seule nation imprégnée de la mode. Mais c’est un des pôles de la Mode, avec l’Italie. Les autres grands pôles de la Mode, peut-être pas des défilés de mode, mais des revues et magazines de Mode, sont les États-Unis et la Grande-Bretagne. Tant il est vrai que nombre des traits de la société américaine viennent de cette dernière.

La place centrale de la Beauté

Dans le monde de la Mode, derrière le luxe, se retrouve toujours la beauté. C’est aussi sensible parmi les photographes, que parmi les créateurs de mode. Cet attrait pour le Beau, pour la beauté, a toujours marché de pair avec le goût pour le portrait, en gros plan, en plan américain, ou en plan général plus ou moins large.

 

modèle cadré en pied - on vot bien le parquet de la langue.
Modèle en pied –  langue bien visible.
modèle cadré en "plan américain" serré. PdC très courte...
Modèle en « plan américain » serré. PdC très courte…
modèle en portrait large - probablement en studio
modèle en portrait large – probablement en studio

Même si la chose n’est pas forcément connue, il existe plusieurs pratiques de la photo de mode. Plus précisément trois. On peut classer ces trois pratiques ou façons de photographier la Mode de deux points de vue : selon l’éclairage ou bien selon le mouvement. Ce classement n’a évidemment qu’un but de commodité, sans plus. Nous allons commencer par la photographie de mode selon le mouvement.

La photographie de Mode statique

C’est celle des photos posées où le modèle ne bouge pas.

C’est le photographe qui bouge, qui tourne autour du modèle. Selon les rapports qui se sont instaurés avec le modèle. Le photographe peut bien sûr demander à ce dernier de changer de pose. Et même de bouger, afin de donner de la souplesse au cliché. Cette dernière variante a souvent dépendu de la personnalité du photographe, et de lui ou d’elle seule.

Cette pratique photographique est celle qui se rapproche le plus de celle du portrait en studio. Elle utilise les mêmes éclairages, le plus souvent 2 ou 3 sources, selon des emplacements et des types de sources lumineuses soigneusement choisis (direct, réfléchis, spot, diffus, etc.) afin d’obtenir le résultat prévu par la commande. Ce résultat est obtenu également par le cadrage, les poses et les attitudes demandées aux modèles. Cette pratique explique les chassés-croisés nombreux entre la photo de mode et la photo de portrait, avec toutes ses variantes, citées plus haut.

Ce type de photographie s’est beaucoup pratiqué et se pratique toujours pour les revues et magazines de mode du type : Vogue (USA – UK – Italie – Paris) V magazine, Vanity fair, GQ, Harper’s Bazaar, Lei (Italie), Soho weelky news, Glamour, Purple, Paradis… ainsi que des titres comme Dépêche Mode, Marie Claire, Elle, Interview, mais aussi la presse généraliste anglo-saxonne comme le Daily Express, le Sunday Times, le Daily Telegraph… De nombreux photographes ont pratiqué ce type de photo comme activité régulière sinon principale. Cette photographie évolue de façon timide en s’installant en extérieur.

Quelques photographes

Ainsi  Edouard Steichen  (1879-1973)

"<yoastmark et sa chambre 18×24 "<yoastmarkphoto de mode en 1927… portrait avec voilette

Ou Norman Parkinson

Norman Parkison et son 6x6

et son Hesselblad 6×6

Audrey Hepburn par N. Parkinson

Audrey Hepburn

Vogue - Russie 1975

Vogue – Russie 1975

Avec Irving Penn, cette évolution va s’accélerer : travail de construction et de cadrage beaucoup plus soigné, plus original.

Irving Penn
Irving Penn
savant travail de composition géométrique et d'intensité

savant travail de composition géométrique et des intensités

plan américain monochrome

Irving Penn va mélanger ses photos de mode avec la pratique du portrait, ci-dessous Malrène Dietrich.

Portrait de Marlene Dietrich

D’autres, comme Avedon vont faire bouger leurs modèles. Ou comme Hemlut Newton vont systématiser les photos en extérieur.

cliché de studio avec mouvement

Richard Avedon- photo de studio

photo pour Tatler

David Bailey-pour Tatler

Smoking d'YSL en éclairage "naturel" extérieur

Helmut Newton-smoking d’YSL en éclairage « naturel » extérieur

 

Ces évolutions font un lien naturel avec l’autre variante de cette photographie qu’est la photo de mode dynamique.

La photographie de mode dynamique

Elle se pratique dans les défilés, pendant lesquels les modèles se déplacent sur « la langue ». Cette langue est un praticable surélevé le long duquel les mannequins font un aller et retour qui permet aux spectateurs, triés sur le volet, de voir les tenues sous toutes les coutures.

Les déplacements sont rapides parce qu’il y a beaucoup plus de modèles de costumes à présenter que de mannequins. Le défilé est donc une épreuve très rude pour ces dernières (et derniers) et pour les photographes. Pour ceux-ci un peu moins depuis l’avènement du numérique grâce à l’autonomie des cartes SD et tous les autres avantages ! La zone de la langue bénéficie évidemment d’un éclairage de type studio simplifié.

La seconde catégorie de classement est la lumière. Elle se partage entre lumière artificielle, c’est-à-dire entre studio & défilés, d’un côté et lumière naturelle, c’est-à-dire les vues en extérieur, de l’autre. La photographie de mode exige donc des photographes une palette de connaissances techniques très larges. Mais aussi une solide capacité à s’adapter à des conditions de travail variées. Cette dernière particularité a favorisé l’envie de trouver des approches concrètes originales.

C’est ainsi que William Klein a rompu les codes en place en photographiant des modèles dans la rue à Rome en 1960 (voir ci-dessous), sans organisation préalable particulière (voir ). Cette rupture s’est pérennisée par la suite, sous des formes beaucoup plus sophistiquées… Formes qui se sont imposées et se sont par la suite recodifiées.

photo de mode à Rome, par William Klein en 1960

Défilé de mode - cliché couleur

photo frontale de défilé – souvent les seuls clichés possibles!

Défilé de mode - final - cliché couleur

Final de défilé

La sophistication de la photographie de mode

Cette sophistication amène à revenir sur l’aspect vraiment propre au monde de la Mode et par extension à celui de la photographie de mode. C’est le rapport complètement exacerbé à la beauté. Il concerne tout d’abord les créateurs de mode. Ainsi la jeune créatrice néerlandaise Iris Van Herpen, représentante remarquée de la dernière génération, est-elle un concentré de quasiment tout ce qui peut rapprocher de la beauté visuelle.

Elle a suivi une formation à l’Institut des arts Artez d’Arnhem où elle a étudié la sculpture, la peinture, l’architecture… et la mode. De sa mère, professeure de danse, elle a « hérité » le goût pour le mouvement. Avec la mode elle dit « pouvoir combiner la sculpture et le mouvement » (in Libération du 6 et 7 février 2021). Les trois premières photos ci-dessus sont des modèles d’une de ses dernières collections.

Iris Van Herpen dans son atelier
Iris Van Herpen dans son atelier

 

Par ailleurs, tous les photographes de mode, sans exception, sont des amoureux de la Beauté, de la beauté du corps humain, de la beauté des matières et des formes des vêtements. On peut juger ce rapport comme coupé du monde réel. Ce qui est partiellement vrai. Cette beauté a une autre face.

La retouche

La retouche antérieure

Un des aspects, moins glamour de la photographie de mode, mais qui lui est consubstantiel, est la retouche, que l’on peut appeler pudiquement le lissage. Cette pratique commence avant les défilés ou le plateau du studio, c’est le maquillage. Celui-ci consiste à effacer, à masquer les défauts de la peau, partout où elle est visible. Cela peut être long, mais c’est simple et efficace. Surtout c’est très ancien. Cela remonte à l’antiquité, tout comme l’épilation au miel (ou à la cire d’abeille) et au citron. Lequel pouvait également servir à décolorer les poils que l’on ne pouvait enlever. Cette préparation peut aboutir à des excès, particulièrement à l’occasion des défilés.

Je me souviens d’avoir vu en 1988, à un défilé de mode qui se déroulait à l’École des Beaux-Arts de Paris, des mannequins hommes, que l’on avait passés aux UV pour qu’ils ne soient pas trop blancs. Ils étaient… sérieusement rouges, brûlés comme par un solide coup de soleil sur des zones non cachées par leurs vêtements. Seuls les photographes, placés très près, serrés au pied du praticable, pouvaient le voir. Le public, placé à 5 ou 6 mètres plus loin, ne pouvait rien apercevoir. Je me rappelle encore combien cela m’avait choqué. Mais cette pratique ne concerne pas la photographie.

La retouche postérieure

Celle-là concerne directement la photo, c’est la retouche. Elle consiste à faire avec les moyens techniques de la photographie, ou plutôt de l’après-photographie, du laboratoire à l’époque argentique, à l’ordinateur avec le numérique, à embellir la réalité à travers la photo. Ce que les peintres pouvaient faire en ne peignant pas ce qu’ils voyaient, mais ce que l’on attendait qu’ils voient. Ce que le commanditaire attendait qu’ils voient. Que ce soit le prince, le roi, le parti, le magazine, le pouvoir, quel que soit son nom.

La photographie qui a remplacé le peintre peut le faire aussi bien. Elle le faisait avec l’argentique, mais les difficultés techniques étaient importantes, freinantes dirons-nous. Mais à cette époque seuls 35 % des photographes avaient une pratique du laboratoire, de plus pratiquement limité au noir et blanc. Ce qui signifie que pour une majorité d’entre eux la retouche était faite par les agences ou au niveau de la photogravure, en amont de l’impression, dans la plupart des cas sous la responsabilité des commanditaires des photos. Les conflits entre certains photographes américains et les commanditaires montrent bien que le problème existait.

Et avec le numérique ?

Avec l’informatique, cette retouche devient plus facile. Une des conséquences est qu’elle n’est plus pratiquée par les agences (qui ont pratiquement disparu) ni par les commanditaires. Elle est demandée aux photographes. Qui la pratiquent chacun à sa manière. Elle ne concerne guère que la peau. Ce qui ne l’empêche pas d’être très présente. Encore que depuis la « loi Photoshop » du 4 mai 2017 sur l’obligation d’indiquer les photos retouchées, la pratique aurait reculée.

Il est à noter ici la restriction faite par un professionnel qui considère que la photo de défilé n’est pas de la photo de mode, de par la répétitivité obligée de photos qui peuvent y être faites et les conditions déplorables dans lesquelles les photographes sont obligés de travailler. Pour lui, la photographie de mode c’est le studio et ses conditions d’éclairage, indoor ou pratiqué outdoor.

L’évolution des images

Dans les composants de ce cocktail Mode-Beauté-Photo on peut noter quelques évolutions importantes. D’abord l’arrivée (tardive) de la couleur dans la photo de mode. Cette inflexion n’a bizarrement pas créé de révolution dans ce monde si sensible à la beauté, sauf peut-être avec le français Guy Bourdin.

Guy Bourdin et son Leica

Et ensuite on peut noter l’évolution du penchant pour l’androgynie, le flou adolescent-adulte, l’érotisme sous-jacent ou provocateur, la présence évoquée ou très suggérée du sexe et de la violence. Tous ces traits sont évidemment liés à chaque photographe et à chaque créateur. Mais quand on est plongé dans ce monde de la mode, il n’est pas nécessaire que cette plongée soit très longue ou répétée pour que ce lien avec la Beauté et sa sophistication force le respect. Cela permet de comprendre que la photographie de mode ait attiré de grands photographes. La mode a évolué dans le temps. Et avec elle la façon dont les photographes l’ont perçue.

Et enfin la création dans le monde de la mode, sinon dans la mode elle-même des top-modèles. Elle est l’œuvre de deux photographes Peter Lindberg (voir l’article Peter Lindberg et d’autres photographes.) et Steven Meisel dans les années 90.

Les supermodèles – Naomi Campbell, Linda Evangelista, Tatjana Patitz, Christy Turlington et Cindy Crawford, New York, 1990. par Peter Lindberg

Les supermodèles à New-York par Peter Linfberg

 

NOTA : Cette présentation n’est évidemment pas exhaustive, les absents voudront bien nous en excuser. Ainsi que les lecteurs, bien sûr.

3 réponses

  1. ‘Comme rien de ce qui concerne la photographie ne m’est étranger’
    Vos chevilles et votre tête ne sont pas trop développés ? Osez cette affirmation, prétendre qu’on connait tout d’un sujet aussi vaste est bien une attitude française méprisante. Soyez plus modeste et acceptez le fait que vous n’êtes qu’un homme avec une connaissance limitée comme nous tous.
    Votre soumission aux divers mouvements ‘#metoo et consorts’ est consternant. Allez sur ce terrain dans un article de ce type est déjà ‘casse gueule’, mais en omettant la contextualisation, vous ne faites qu’aboyer comme les autres. C’est indigne de vous.

  2. Je recommence puisque, en France, vous avez la manie de censurez quand la vérité est dite. Vous avez la clope a ce point ?
    ‘Comme rien de ce qui concerne la photographie ne m’est étranger’ : Vous les français, vous êtes vraiment dikkenek. Faut arrêter de se prendre pour les rois du monde. C’est odieux que de prétendre tout connaitre. Apprenez à respecter les gens, vos lecteurs.
    Et arrêter l’assimilation mode = sexe, érotisme. Carabistouilles. Le monde est sexué, du lycée à l’entreprise. Que la mode soit sexuée, c’est normal.
    Si vous me publiez pas cette fois ci, on discutera de votre fascinante personnalité ailleurs.

    1. La citation « rien de ce qui concerne la photographie ne m’est étranger », inspirée de Térence (« Je suis un homme : rien de ce qui est humain ne m’est étranger ») signifie pour moi tout simplement que « tout dans la photographie m’intéresse ». Sans plus.
      De même dans le paragraphe sur « L’évolution des images » il n’est pas question de parler de tous les créateurs de mode et du monde de la mode en général. Le seul propos généralisant parle du lien du monde de la mode avec « la Beauté et sa sophistication [qui] force le respect ».
      Ce n’est donc qu’un problème d’interprétation qui nous sépare. Je suis désolé que ma rédaction ait pu en être la cause.
      Quant au délai de réponse, il est dû à un problème de temps et non à un acte de censure.