Le titre «LE flou» pourrait ou devrait être «Les flous». Car le flou en photo peut avoir plusieurs causes et plusieurs formes. L’origine de flou peut être involontaire ou intentionnelle.
Le flou involontaire
Il résulte de défauts technologiques ou techniques.
Les défauts technologiques
Ils peuvent provenir de carences de montage de vieillissement ou de manque d’entretien:
- décentrement d’une lentille ou d’un groupe de lentilles qui amène un flou sur une partie de l’image, le plus souvent sur un côté de l’image.
- mauvais réglage de la rampe de MAP qui conduit à l’impossibilité d’obtenir la MAP soit à l’infini, soit à la distance minimale de mise au point.
- back ou front focus dû à un décalage entre le point sur le dépoli du viseur et le point sur le capteur. Ce décalage est vers l’arrière (back focus) ou vers l’avant (front focus). Ce problème se résout dans le boitier (Menu C-4-26 – l’emplacement diffère selon les boîtiers – Ajustement AF précis). Le décalage peut provenir varier d’un objectif à l’autre, il faut alors le corriger objectif par objectif. Il peut aussi provenir du boitier, il faut alors le corriger de la même façon pour tout les objectifs. Choix présent dans l’Ajustement AF précis. Si ces possibilités de corrections ne suffisent pas, il faut faire faire la correction en SAV en fournissant le ou les objectifs concerné(s).
- poussières ou moisissures dans l’objectif qui créent des flous localisés. Les poussières peuvent être enlevées, ce qui nécessite un nettoyage avec démontage partiel de l’objectif et un recentrage soigneux au remontage. Des moisissures sont beaucoup plus graves; s’en débarrasser peut revenir cher, voire plus cher qu’un remplacement de l’objectif quand la récidive n’est pas exclue et que les moisissures endommagent le traitement de surface. Les devis dans les cas sérieux sont généralement dissuasifs.
Les défauts techniques
Ils proviennent de mauvaises pratiques à la prise de vue.
Le flou de bougé
Il est dû à une vitesse trop faible pour être compensé par le SR (shake reduction) du boiter (ou de l’objectif). Toute la photo est floue ou comporte plusieurs images superposées, elles-mêmes pas totalement nettes en cas de vibrations pendant la prise de vue. Aux alentours des vitesses limites (inférieures ou proches de celles que le SR peut «récupérer»(voir plus loin), la gestuelle physique, la posture du corps, la façon de tenir l’ensemble boitier objectif peuvent amener un flou ou non.
Un déclenchement obtenu par un mouvement des seules deux dernières phalanges de l’index garantit une stabilité optimale. Si le déclenchement est obtenu par un geste qui mobilise les muscles de la main et de l’avant bras, la photo est a beaucoup plus de chance d’être floue, et également de travers, même SR activé. Cette gestuelle, globalement appelée «motricité fine» est naturelle, mais elle peut aussi être obtenue ou améliorée par l’entrainement.
D’autres paramètres physiques peuvent causer (ou réduire) le flou de bougé.
- la posture: pieds écartés pour élargir l’assise au sol, axes des pieds créant un angle pour améliorer la stabilité latérale et longitudinale. Point(s) d’appui quand c’est possible.
- la respiration: l’apnée est conseillée, ce qui a pour effet un abaissement du rythme cardiaque et une diminution de ses répercutions dans les mains (les vibrations sont transmises au boitier) et une immobilité de la cage thoracique, donc des bras.
- la façon de tenir l’ensemble boitier-objectif, enfin, participe à le stabiliser, particulièrement avec les «gros» téléobjectifs (300mm et zooms 70-200, 100-300). Ainsi il vaut mieux tenir un 300mm en le tenant de la main gauche placée en dessous le plus près possible du pare soleil, de façon réduire le porte à faux. On retrouve ce principe avec les colliers de fixation dont le filetage pour le pied est placé au centre de gravité de l’ensemble objectif-boitier.
Toute cette problématique de posture doit être observée et analysée pour être optimisée par chaque photographe. Le déclenchement est un moment central de la photographie qui doit être pris en compte, comme l’état de son matériel, car il est un des maillons incontournables de l’acte photographique.
Nota. A l’époque des appareils argentiques sans aucune stabilisation, un règle non écrite disait que pour obtenir une photo nette, il fallait choisie une vitesse immédiatement supérieure à la focale de l’objectif. Ainsi avec un objectif de 85mm il ne fallait pas descendre au dessous du 1/125sec, avec un 135mm pas au dessous du 1/250sec, avec un 300mm pas en dessous du 1/500sec. Ces chiffres peuvent être utilisés comme base de calcul corrigée des apports de la stabilisation.
Avec le SR on pourrait utiliser un 300mm à 1/60sec. Même avec le coefficient multiplicateur APS-C 450mm restant inférieur à 1/500sec, on doit pouvoir shooter au 1/60sec. La pratique montre que le résultat est variable d’un individu à l’autre, et pour un même individu, variable selon qu’il applique les règles indiquées ci-dessus ou pas … et selon son état de fatigue.
Le flou de mouvement
Il est dû au choix d’une vitesse qui ne fige pas les mouvements (~1/30-60, voire 1/125-500 sec). Ce qui donnera des photos nettes avec des objets mouvants flous. Il y a évidemment une corrélation entre le temps de pose et la vitesse de déplacement des objets mouvants. Ce flou peut être évité par un temps de pose plus court. Mais il peut aussi être utilisé intentionnellement (Voir plus loin).
Le flou de profondeur de champ
C’est un flou normal, lié au choix du diaphragme et à la distance de MAP. Le flou de PdC peut être un défaut si le point de MAP a été mal choisi par rapport au sujet de la photo et à l’intention du photographe. Pour une focale donnée, la profondeur de la photo (distance entre le photographe et l’infini de la photo -500m, 1000m, 3km…) avec un diaphragme choisi entre la PO et 4, une MAP à 50m va produire un flou d’arrière plan, alors qu’une MAP à 500m va produire un flou d’avant plan. Donc deux photos totalement différentes. Ce n’est pas seulement le diaphragme qui doit être choisi judicieusement, mais aussi la position de la MAP dans la photo. Dans les faits, le flou de PdC n’est un défaut que de façon périphérique. Dans la majorité des cas, le flou est intentionnel.
Le flou intentionnel
Comme son nom l’indique il résulte d’un choix volontaire. Il peut être de plusieurs natures.
Le flou de profondeur de champ… et le bokeh qui en résulte
Petit rappel théorique: plus le diaphragme est ouvert, plus le bokeh sera marqué et la zone concernée importante. La qualité du bokeh est propre à chaque objectif, à la qualité des lames de son diaphragme, leur forme et leur nombre, actuellement 9 pour obtenir un cercle parfait, on en a produit dans les années 50-60 avec 20 lames. Deux objectifs de même focale peuvent donner des zones de PdC différentes et des bokehs également différents. Ce bokeh peut bien sûr permettre de composer sa photo en jouant de la zone ou des zones floues.





Le flou général
Il peut être obtenu par projection de buée (haleine) ou de micro-gouttelettes d’eau (brumisateur) sur la lentille frontale (ou un filtre). Cokin produit un filtre brouillard qui permet d’obtenir le même résultat en ne risquant pas l’objectif. L’effet obtenu est celui d’un brouillard général, utilisé par Hamilton en son temps. Effet qui a quelque peu fait son temps. Le brouillard naturel reste plus naturel. Le flou peut être obtenu par un filtre naturel au premier plan, une vitre sale, embuée ou mouillée; dans la seconde photo ci-dessous par un rideau sombre. La MAP (mise au point) est faite sur la maison à colombages, à travers le rideau.

Le flou de mouvement
Le flou partiel obtenu par une vitesse suffisante pour figer ce qui est immobile ou très lent, mais ne fige pas ou partiellement les personnages ou objets en mouvement. Ceux-ci deviennent des images estompées ou des images fantômes. Certains photographes mondialement connus ont beaucoup utilisé ce procédé.

Le filé
Il consiste à suivre un personnage (ou objet) en mouvement pour le fixer. Cette technique se fait en choisissant une vitesse assez basse pour que le fond soit flou en donnant des bandes de couleur filant à l’horizontale dans le sens inverse du déplacement du boitier. Exemple: Sur un coureur à pied pris en filé -avec un temps de pose de 1/15 -1/8sec., le corps peut être net, les bras et les jambes au dessous du genou seront flous.
Ce flou dessinant des courbes qui retracent les mouvements alternatifs des bras et des pieds et des mollets. Ce procédé est utilisé en photographie sportive, mais pas très souvent, car il nécessite un grand savoir faire et comporte une dose non négligeable d’aléatoire, c’est à dire que les résultats heureux ne sont pas garantis… Mais elle présente l’avantage de gommer les arrière-plans inutiles et peu esthétiques- tribunes, pubs, etc.

Le flou de bougé
Par mouvement du boitier. nécessite une vitesse plus lente, qui permet consiste à déplacer le boitier pendant le temps de pose. Ce déplacement peut se faire de façons variées, déplacement en marchant, ou en roulant, rotation panoramique, rotation dans l’axe de l’objectif… Les images obtenues seront variables selon la vitesse de déplacement du boitier.

Le flou par pose longue
Se pratique avec un boitier parfaitement immobile, stable, de préférence monté sur pied.
version 1
la pose longue va fixer le paysage -statique- et créer un filé de tout ce qui bouge. Les hautes lumières seront bien fixées par la photo, les basses lumières ne le seront pas, ou sous la forme d’images fantômes ou transparentes, par exemple des voitures circulant laisseront des trainées de phares, blanches ou rouges, saisissantes si l’on a bien choisi la position des axes de circulation. Des personnages dans un lieu public donneront des images fantômes et ne seront pas reconnaissables, mais bien présents dans un lieu parfaitement net. Ce dernier type de photo se fait de préférence à des vitesses longues de une à plusieurs secondes.
version 2
C’est un cocktail des 2 derniers procédés, avec une pose assez longue également, l’appareil est d‘abord fixe (brièvement), puis bouge. Cette façon de procéder permet de saisir une image fugace des personnages, brouillée par un flou qui dépend du mouvement. L’image fugace rend le(s) personnage(s) présent sans permettre de le(s) identifier, mais le(s) rend présent(s). Ce qui change complètement le caractère de la photo. Les photos sur pied doivent être pratiquées SR débrayé.


Le flou n’a plus la cote depuis quelques années, l’arrivée du numérique y est certainement pour quelque chose. Techniquement, jusqu’à des temps récents, les poses longues généraient des clichés bruités à tel point qu’ils ne méritaient que la corbeille.
La situation a changé, le désamour pour le flou est resté. C’est dommage, car le flou apporte à la construction des photos de la profondeur, de la structuration de plans successifs, des zones de faible intensité, qu’aucun autre procédé ne remplace.
La théorie galvaudée un peu partout, selon laquelle on peut tout faire en Post-Traitement (PT) sous Photoshop, est malheureusement inexacte. On ne peut pas tout faire, en tout cas, pas naturellement.
Le hasard est absent du travail de PT, or le hasard est un grand acteur de création. Irremplaçable, malgré ce que croient les adorateurs de Photoshop. Le flou est une manière de rendre le mouvement qui elle non plus n’a été remplacée par rien. Les vitesses élevées, 4 à 8 plus élevées que celles disponibles il y a vingt ans permettent de figer les mouvements rapides des différentes pratiques sportives.
Les photos qui en résultent permettent de très bonnes analyses de gestes sportifs, mais ne donnent plus à sentir le mouvement. Elles donnent une superbe vision de type scientifique, précieuse, mais qui a progressivement évincé les images esthétiques et poétiques, dans lesquelles le flou était un élément constitutif à part entière.
De façon plus générale, le flou permet d’évoquer, laissant le spectateur libre de rêver, sans l’enfermer dans une représentation sans aucune interprétation possible. Les images très piquées, de très haute définition, sont presque exclusivement descriptives, informatives, plus proches de l’exploit technologique que de la poésie. Il n’est pas sûr que l’expression artistique, et l’expression tout court aient à y gagner. Tout appauvrissement des moyens artistiques est un appauvrissement de l’art photographique.
Vive la variété des moyens de création. Le flou « est mort ». Vive le flou !
crédit photographique Valia © pour agrandir cliquer la photo
2 réponses
Dire que le flou n’a plus la cote, c’est un peu réducteur… Peut être chez la majorité des photographes… Mais il existe quand même pas mal de photographes modernes qui l’utilisent encore. Un petit tour sur 1X permet aussi de voir des approches différentes.
Je pense surtout que le flou est beaucoup plus difficile à réaliser qu’une image bien nette…
Bien sûr, il existe encore des photographes faisant volontairement du flou, heureusement! Mais c’est un courant devenu marginal, hélas. Avec Pentax revenu au FF on peut rêver que ce soit un peu moins marginal.