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Les distorsions géométriques – barillet & coussinet

Distorsion en barillet

Introduction

Lorsque l’on parle de distorsions géométriques, il s’agit de barillet ou de coussinet. Il convient de ne pas confondre ces distorsions avec les déformations que tous les objectifs font subir à l’image lorsqu’on travaille en plongée ou contre-plongée (visée vers le bas ou visée vers le haut). La distorsion en barillet ou en coussinet est une aberration géométrique due à la courbure des lentilles qui constituent un objectif. Et donc à la formule optique de l’objectif. C’est elle qui fait que que certaines lignes verticales ou horizontales apparaissent courbes, alors que dans la réalité elles sont droites. Ces distorsions (du mot tordre) sont de 2 ordres : concaves ou convexes.

Les déformations concaves sont appelées « en coussinet »

Aberration géométrique en coussinet
Aberration géométrique en coussinet

Les déformations convexes sont appelées « en barillet »

Aberration géométrique en barillet
Aberration géométrique en barillet

 

Comment déceler les distorsions géométriques ?

Le plus simple est :

  1. de repérer un motif présentant des lignes droites verticales et/ou horizontales, par exemple un mur de briques, une rambarde, une grille…
  2. d’installer son appareil sur un pied en face de l’objet choisi.
  3. de veiller à ce que l’appareil soit parfaitement horizontal sur le plan latéral (gauche – droite) et sur le plan longitudinal (axe de l’objectif). Avec l’horizon artificiel embarqué dans les boitiers Pentax récents, c’est assez facile. Il faut veiller également à ce que l’axe longitudinal de l’objectif soit parfaitement perpendiculaire à l’objet que vous allez photographier. Pour ce dernier point il n’y a pas d’aide dans le boitier, malheureusement.

 

Distorsion de planéité
Distorsion de planéité

 

Test de distorsion- Ici barillet assez monstrueux
Test de distorsion- Ici barillet assez monstrueux

 

Quand tout cela est fait, il ne reste plus qu’à déclencher. Si les lignes de briques (ou autres lignes droites) sont courbes, en haut et en bas de la photo particulièrement, votre objectif est affligé d’une aberration géométrique. Rassurez vous, la plupart des objectifs en ont, elle est légère et ne ressemble en rien aux exemples ci-dessus, elle est parfois invisible, même si a été constatée par des tests. Et elle peut se corriger en PT. Seuls certains objectifs, peu nombreux et chers, en sont exempts. D’ailleurs nos « objectifs naturels », fournis par paires, peuvent aussi en souffrir, et nos lunettes également, mêmes montées de verres très chers ( fournis par Zeiss, Nikon, etc). Ce test peut être réalisé avec une mire, bien sûr.

Statistiquement, les courtes focales donnent des distorsions géométriques en barillet, visibles surtout sur les lignes verticales des bords du champ (*1). Ces distorsions seront d’autant plus fortes que ces verticales seront proches de l’appareil. Cette distorsion peut également affecter la planéité de l’image (voir illustration ci-dessus). Les sujets centraux apparaitront plus petits, résultat d’une distorsion en barillet dans le sens longitudinal. Cette distorsion n’est réellement gênante qu’en photographie d’architecture, avec des façades photographiées frontalement. Elle peut être corrigée en PT.

Les téléobjectifs et longues focales peuvent également donner des distorsions géométriques. Elles sont généralement en coussinet. De par leur angle de champs et les sujets photographiés, elles sont peu visibles, en tous cas peu repérables.

Ces distorsions sont le fait des lois de la physique et conséquemment de la formule optique des objectifs. Produire un UGA de 15mm parfaitement rectilinéaire, donc sans aberration est possible. Une des plus belles preuves est l’Irix 15, avec ses 15 lentilles en 11 groupes. La correction des défauts optiques peut être obtenue par le traitement de surface, mais à la marge. Fondamentalement, il faut commencer par rendre un tel objectif rectilinéaire, ce qui est un gros boulot, ensuite il faut corriger les aberrations fines. Chaque étape signifie ajouter des lentilles. Puis en ajouter d’autres qui corrigent les défauts apportés par les précédentes.

Au bout du processus, on arrive bien à éliminer quasiment tous les défauts optiques, mais on a deux fois plus de lentilles qu’auparavant : entre 10 et 15 lentilles. C’est en train de devenir la norme des objectifs actuels entre 8mm et 85mm. On a vraiment rien sans rien. Et on est dans le lourd, aussi bien en taille et poids qu’en tarif. Les constructeurs considèrent que le jeu en vaut la chandelle.

(*1) En fait cette distorsion est présente dans toute l’image, mais c’est principalement sur les verticales situées sur les côtés des photos qu’on les voit vraiment.

Voici des exemples : avec des objectifs anciens – Années 1970 et 1980

Aberrations géométriques partiellement corrigées
Objectif Zenitar 2,8/16mm fisheye – Aberrations géométriques seulement partiellement corrigées ->formule rectangulaire
Pas d'aberrations géométriques visibles
Objectif Pentax M 3,5/18mm. Pas d’aberrations géométriques visibles

et avec des objectifs récents – 2017 et 2018

Irix 15mm verticales couchées; mais sans distorsion.
Irix 15mm verticales couchées, mais sans distorsion.
Samyang 14mm verticales couchées, mais surtout distorsion en barillet
Samyang 14mm verticales couchées, mais surtout distorsion en barillet

Comment les éviter ?

Nous venons de voir qu’éviter ces distorsions géométriques n’est réellement possible qu’au niveau de la conception et de la fabrication. Et nous, les photographes, que pouvons nous faire ? Et bien, aux problèmes existants n’en rajoutons pas d’autres en utilisant nos objectifs !

Nous avons tous constaté que dès que nous inclinons notre appareil vers le haut, en contre-plongée, les verticales se couchent vers l’arrière. Plus la focale est courte, plus le phénomène est marqué. Plus on vous lève le nez, plus les immeubles se couchent. Et parallèlement à ce phénomène, l’horizon se courbe. C’est bien, ça prouve la rotondité de la terre ! Mais si on baisse le nez, il se creuse. Ce qui prouverait que la terre est … Donc pour éviter ces joyeusetés géométriques, il faut faire en sorte que l’axe de son objectif soit horizontal. Il ne suffit pas de la savoir, il faut le faire, dans la mesure du possible. Mais ce n’est pas toujours possible. Essayez donc de ne pas faire de contre-plongées à Manhattan (New -York) et vous reviendrez en n’ayant même pas rempli une carte SD de 8 Go !

 

Marseille - Le panier, fleurs et linge...
Marseille – Le panier, fleurs et linge…

 

Il n’y pas besoin d’aller à Manhattan pour pencher les immeubles avec une contre-plongée.

Il faut donc se faire une raison. Et s‘efforcer de cadrer le plus possible à l’horizontale. En reculant, en cherchant des points de vue surélevés, un escabeau (ah, ah !). En élevant votre appareil au-dessus de votre tête (vive le LV et l’écran arrière orientable !), A New York, par exemple, dans certains quartiers les escaliers de secours sont commodes (ah, ah, ah !).

 

En guise de conclusion

L’important est d’essayer de minimiser le problème, et de faire avec. Il vaut mieux prendre une photo en sachant qu’elle est imparfaite, plutôt que de ne pas la prendre. Car ce problème n’est pas seulement une conséquence des lois de la physique, c’est aussi un problème culturel. Lorsque nous regardons un voie ferrée, que nous voyons les rails se rejoindre à l’horizon, cela ne nous gêne pas plus que ça. Nous savons qu’ils ne se rejoignent pas, notre cerveau fait le boulot pour que ça ne nous gêne pas, il post-traite. Par contre, quand deux gratte-ciel se rejoignent à la hauteur du centième étage, ça nous pose un problème. La preuve, on a inventé les objectifs à décentrement (shift) pour redresser les tours de Pise. Ce problème visuel des verticales couchées par la contre-plongée n’est résolu que par les chambres qui permettent le décentrement des platines avant et arrière. C’est à dire de l’objectif et de la surface sensible. Mais un seul cliché avec une chambre de ce type prend 15 bonnes minutes. Dans notre société actuelle, une telle pratique photo est assez impensable, sinon exclue. La perfection photographique et le travail rapide, l’informatique qui règle tout ne sont pas forcément compatibles, pour ne pas dire forcément pas compatibles. On ne peut pas tout avoir. On peut concevoir que les photographes professionnels tendent vers la perfection. Encore que. Rêver que les amateurs fassent de même est probablement illusoire, surtout dans le contexte d’un marché où le pouvoir d’achat n’est pas au beau fixe. Il n’est pas sûr que les constructeurs aient vraiment pris la mesure de ce dernier point.

 

 

Crédit photographique Valia © pour agrandir cliquer sur les photographies