Les galeries photo ont suivi dans la dernière période le même cheminement que la photographie. Arrivée après la peinture, la photo a reproduit les structures de cette dernière. Le développement des galeries photo aussi.
Mais les temps changent, c’est bien connu. Et quelquefois il s’accélère même. Les galeries photo ont évolué plus vite que les galeries de peinture. Particulièrement avec l’arrivée du numérique, et plus spécialement ces 15 dernières années. L’arrivée des « réseaux sociaux » et des Instagram, Tumblr… a encore accéléré le phénomène de métamorphose.
La structure économique des galeries photo
La galerie, une entreprise à but commercial
Comme tous les établissements commerciaux, fussent-ils culturels, les galeries doivent avoir une balance commerciale au moins équilibrée, après impôts. Ce qui implique des rentrées financières, au moins égales aux dépenses (immobilières, d’amortissement, de fonctionnement – pub comprise, salariales, etc.).
Donc les galeries doivent vendre. Ce point acquis, le reste est facile à comprendre. Et particulièrement : pourquoi les galeries doivent-elles choisir les photographes qu’elles exposent ? Cette première question en amène une autre, logiquement.
Comment les choisissent-elles ?
Les critères de choix de leurs exposants sont variables. Ils découlent de leur choix initial de cible : quelle clientèle visent-elles ? Quel type de photo veulent-elles diffuser ? Ils découlent également de l’analyse du marché de leur manager, de ses goûts artistiques, et de la nature de l’établissement.
Selon que la galerie est la pièce maîtresse, ou la seule de leur propriétaire, ou bien un maillon d’une structure plus large, la politique commerciale sera évidemment différente. C’est ce qui explique qu’il existe plusieurs types de galeries.
Typologie des galeries photo
Les galeries classiques
Ce sont celles qui choisissent leurs exposants, prennent un pourcentage sur les ventes, fixés dans un contrat (ponctuel ou d’exclusivité) et font la promotion de leurs expos. La différence entre contrat ponctuel et contrat d’exclusivité permanent ou à durée longue est assez fondamentale et induit des rapports très différents entre le photographe et la galerie. Dans tous les cas une bonne exposition est celle qui vend le maximum de « produits ». Le critère d’entrée dans ces galeries, quel que soit le rapport entre les « partenaires » (galerie et photographe), est la qualité du travail du photographe et son côté « bankable ». On disait autrefois « vendeur ».
Des artistes vendeurs
Ces 2 critères ne paraissent pas forcément compatibles. Cette compatibilité dépend fortement de la clientèle préexistante de la galerie, de son carnet d’adresses, de son réseau, de l’image de marque qu’elle s’est construite, ou qu’elle veut se construire.
Ainsi nous avons rencontré Jean Noël de Soye, le cofondateur de la galerie In Camera, sise rue Las Cases dans le VIIe arrondissement à Paris, non loin de l’Assemblée Nationale. Le local est petit, lors de notre visite il accueillait 15 photographies de Namsa Leuba, photographe Hélvéto-Guinéenne. Des portraits couleur du monde invisible des cultures spirituelles de la région guinéenne : 7 grandes photos et 8 plus petites. Les prix oscillaient entre 3000 et 5000€.
Le fondateur de la galerie nous a expliqué que, ancien photographe lui-même, il choisissait les photographes en fonction de ses goûts, et des travaux des photographes, soit en les contactant directement, soit par son réseau de connaissances. Il a ainsi constitué un groupe de photographes créateurs assez « reporters » qu’il expose et à qui la galerie sert d’intermédiaire avec les musées, les éditeurs, en France comme à l’étranger. Il arrive que la galerie ne prenne pas une série proposée par un de « ses » photographes.
Les conditions d’exposition
Les conditions d’exposition sont assez classiques : la galerie prend 50% des ventes et 50% des frais de tirage et d’encadrement si l’auteur le fait lui-même. À l’origine les fondateurs étaient 2, son collègue est parti à Londres où il a également ouvert une galerie. Les photographes que In Camera expose sont assez internationaux. Il y a eu parmi eux Éva Rubinstein, la fille du célèbre pianiste.
La galerie fonctionne depuis 8 ans de façon satisfaisante, sans toutefois « permettre de s’enrichir ». En principe la galerie signe des contrats d’exclusivité avec « ses » photographes, mais son fondateur nous dit qu’il n’en avait signé que deux et fonctionnait plutôt à la confiance avec des photographes qui sont devenus des proches, sinon des amis. Les galeries de ce type peuvent prendre un photographe inconnu si ce qu’il leur présente les séduit et remplit les critères cités précédemment.
Toutes les galeries ne peuvent évidemment pas fonctionner de la même manière, en particulier sur ce créneau tarifaire.
Les galeries de ce type ne sont pas non plus représentatives du courant « up to date ».
Les galeries photo multicartes
Multicarte est le terme utilisé à l’époque des VRP qui représentaient plusieurs sociétés et plusieurs spécialités.
Ces galeries sont le plus souvent des lieux très bien aménagés qui peuvent être loués pour accueillir des types d’activités telles que : conférences, symposiums, « events », expositions, cérémonies privées telles que mariages, bar-mitsva, etc. Leurs tarifs dépendent de la situation du lieu et de tous les critères classiques d’une location : taille de l’espace, équipements, services offerts, prestige – et bien sûr durée.
Un bon exemple de ce type de galerie est la Galerie JOSEPH. C’est une constellation de 11 lieux, tous groupés dans le Marais, sauf un, près du Musée d’Orsay. Anciens ateliers industriels et boutiques, ils ont été restaurés, équipés et transformés pour répondre aux fonctions citées plus haut.
Ils offrent toujours un accès visible de la rue, souvent plusieurs niveaux, en sous-sol et/ou en étage. Ils varient de 70 à 850 m2 et permettent d’accueillir de 25 à 280 personnes assises (conférences) et de 50 à 700 en conditions de réception. Ces lieux permettent : expositions – cocktails – lancement de produits – showroom – journées de presse – ventes éphémères – pop up stores. Deux des lieux ne permettent pas les expositions, mais peuvent servir de studio.
Le site internet est très bien conçu avec situation, description, plans… Les tarifs sont communiqués sur rendez-vous. Ils sont évidemment élevés. Ceux de la Galerie Turenne, par exemple, avec ses 850 m2 ne sont pas accessibles aux particuliers sans sponsors pour une exposition qui dure quelque peu. On retrouve cette option lieu multifonction à louer avec certains studios photo (voir article).


Les galeries photo atypiques
Il existe enfin d’autres types de galeries, plus originales.
La galerie Le Bal
C’est un espace d’exposition, consacré également, en association avec La fabrique du Regard, à la pédagogie de l’image sous toutes ses formes (photo, vidéo, cinéma…). L’entrée est payante comme dans un musée, mais avec un tarif modique. Situé impasse de la Défense, derrière la place Clichy, Le Bal a été créé en 2010. Il a un lien de coopération avec la MEP (Maison Européenne de la Photographie). Le Bal comprend deux très grandes salles accessibles au public, une de plain-pied et l’autre en sous-sol. Les expositions sont accrochées pour un mois ou plus. Les murs des cimaises sont d’ailleurs tapissés spécialement pour chaque exposition.
Les exposants sont principalement des jeunes (- de 40 ans), mais pas seulement. Ce sont toujours des photographes prometteurs ou confirmés, aux projets et/ou au propos intéressants. Le Bal comporte également un stand de vente de livres photographiques liés aux expositions, ainsi qu’un bar-restaurant. L’accès à ces deux espaces est libre.


La galerie Fisheye
C’est un petit lieu sans prétention situé 2 rue de l’hôpital Saint-Louis pratiquement rue de la Grange aux Belles, dans le XIXe arrondissement de Paris. C’est une galerie qui est « adossée » au magazine photo du même nom et participe au Festival d’Arles. Elle expose de jeunes photographes, découverts et présentés auparavant dans le magazine. Elle en fait ainsi la promotion. Le fonctionnement de la promotion est très porté par internet. Il n’est pas certain que la galerie ait un bilan financier très excédentaire, mais ce n’est qu’une hypothèse.

Ces deux galeries se situent donc comme des agents de l’action culturelle.
Sakura
Un tout autre type de galerie est celui que représente SAKURA. Sise rue du Bourg-Tibourg dans le IVe arrondissement, en plein centre de Paris, cette galerie propose des tirages numérotés de jeunes photographes trouvés sur internet à qui Sakura propose un contrat d’exclusivité. Le choix est basé sur des thèmes que se fixe l’équipe d’animation de la galerie pour une période donnée. Ensuite, commence la prospection et les propositions aux photographes dont les travaux correspondent au thème et à la qualité estimée nécessaire.
Les tirages (numérotés) sont proposés aux acheteurs dans des conditions de transparence commerciale complète (nombre de tirages dans le format indiqué). Les prix sont très raisonnables. Ces tarifs sont un choix volontaire non ambigu. La plupart de thèmes choisis portent une charge d’humour évidente. Au moment d’une de nos visites à la galerie le thème était « Les superwomans ». Sakura assure le suivi de ses photographes et leur promotion. L’activité de la galerie est, comme pour Fisheye, très internet.
Le créneau de Sakura pourrait faire penser à Yellow Corner, mais en fait il en diffère fortement. D’abord par le nombre limité des tirages. On achète donc des œuvres d’art garanties. Et puis Sakura privilégie l’originalité et l’identité de l’auteur, plutôt que les chiffres de diffusion de produits assez formatés et finalement passe-partout. Enfin Sakura n’est pas une chaîne. La rentabilité de la galerie ne paraît pourtant pas faire de doute.



Cet article ne vise évidemment pas l’exhaustivité. Il est plutôt une exploration – découverte d’une activité en plein développement. Il est susceptible d’être complété. Rappelons pour mémoire que dans ce panorama existent également des établissements commerciaux, dont le but premier et central n’est pas l’exposition photographique ou artistique, mais qui accessoirement accrochent. Ce sont des librairies, des hôtels, des restaurants, des cafés, dont les gérants apprécient les belles images et les préfèrent aux produits tout faits, passe-partout et « consensuels ».
Nous en citerons un ici, pour l’exemple et parce que les patrons sont tous les deux photographes et… pentaxistes ! Il s’agit du restaurant Les Koupoles, 55 rue des Mathurins, Paris VIII – (leskoupoles@gmail.com). Dans ce genre d’exposition, on notera une absence de contrat. C’est un accord de gré à gré qui est passé, si les photos plaisent au décideur. Ou bien encore la Librairie Millefeuilles (qui est aussi restaurant, place de l’église à … Bièvres ! )
Il y a beaucoup plus de lieux de ce genre qu’on l’imagine. À vous de les trouver…
crédit photographique : Valia© Pour agrandir l’image, cliquer sur la photo.