Le paysage du trépied photo a beaucoup changé ces dernières années, beaucoup plus celui des boitiers.
L’émergence du numérique a été dans la photographie une révolution. Cette révolution n’a pas concerné que les boitiers et les objectifs. Elle a concerné également les trépieds photos et les rotules. En quoi est-ce que le numérique, évidente révolution, pouvait-elle toucher ces «accessoires» incontournables ? La présence de plus en plus large de l’électronique dans les boitiers et les objectifs n’influe pas sur les trépieds photo, statiques (c’est d’ailleurs leur nom dans certaines langues). Cette révolution est due à la conjonction de plusieurs évolutions :
- miniaturisation d’une partie importante du parc photo, avec les compacts à un certain moment
- émergence de la Chine dans le monde industriel
- banalisation de certains brevets qui protégeaient les constructeurs historiques.
AVANT: deux marques hégémoniques – Manfrotto et pour le top GITZO (fabriqués en Italie et en France, puis en Italie pour les deux marques après le rachat de Gitzo par Manfrotto – et les autres technologiquement assez différentes.
MAINTENANT: des foultitudes de marques, quasiment toutes made in China (quelquefois labelisées RPC), qui proposent des produits se ressemblant beaucoup, autant sur le plan de la technologie que du design et qui offrent un panel de caractéristiques très proches. Au tout début de l’apparition de cette offre, j’ai personnellement cru à des contrefaçons.
Anatomie d’un trépied photo

Les caractéristiques techniques
qu’il faut connaitre pour faire son choix sont :
- le rapport poids/stabilité,
- les matériaux utilisés,
- la qualité de construction,
- l’encombrement,
- l’aspect pratique,
- le prix.
Le rapport poids/stabilité
La conception d’un trépied photo est une gageure technique, une contradiction insoluble théoriquement. Le but premier d’un pied est d’être stable, plus stable que le bipied humain. Pour cela il faut que les «jambes» ne soient pas trop fines, et ne comptent pas trop de sections, ces deux facteurs affaiblissant rapidement la stabilité du trépied. Donc le pied, pour être stable doit être lourd et avoir des sections de jambes épaisses et longues, donc être encombrant à transporter. Un pied est toujours un compromis.
Seul l’acheteur, c’est à dire vous, décide du bon compromis. Pour cela les fabricants donnent des indications, la principale étant le poids supporté. Pour avoir un pied stable vous devez choisir un poids supporté supérieur à celui que vous mettrez (habituellement) sur le pied. Vous devez savoir également que tout pied est moins stable quand il est utilisé colonne centrale montée. Détail important lié à la taille de l’utilisateur: photographe voûté à la prise de vue = pied stable. Un dernier point pratique qui n’est pas un détail: un crochet, rétractable ou non, en bas de la colonne centrale permet de lester le pied mis en place et de le rendre encore plus stable et beaucoup moins sensible au vent. Mais une absence de crochet peut être compensée par un accrochage au niveau de la pièce d’articulation des jambes.
Les matériaux
Ce sont principalement l’aluminium et la fibre de carbone. Le premier est dominant, relativement léger, vieillissant bien, robuste, très souvent anodisé. Le second est plus léger, plus rigide, mais plus sensible à l’écrasement; il vieillirait moins bien, et surtout est nettement plus cher. Les autres matériaux utilisés pour les pièces d’articulation sont généralement l’aluminium, plus rarement le magnésium, plus léger, mais beaucoup plus cher, et des matériaux synthétiques, polycarbonate et silicones vieillissant mieux que le caoutchouc naturel. Enfin quelques pièces, rares, en acier. Dans la pratique, tous les matériaux permettant de diminuer le poids tout en conservant la robustesse sont chers.
La qualité de construction
Elle découle du point précédent, mais aussi du soin de la conception qui élimine les articulations fragiles, les choix technologiques «cheap» qui pour abaisser les coûts créent des faiblesses – bras plus fins, axes de diamètre trop faible, pièces de frottement non remplaçables… Seul votre jugement, ou le jugement d’un bon vendeur, peut vous servir de garde-fou.
L’encombrement
Il découle directement du premier point. Pour qu’un pied soit compact replié, il faut qu’il comporte plus de sections plus courtes. Donc plus de points de serrage, favorables à l’instabilité (et à l’usure), et les deux tubes inférieurs auront un petit diamètre, donc seront mois stables… C’est la quadrature du pied. Là encore, vous seul pouvez faire le choix du compromis qui vous convient.
L’aspect pratique
C’est la qualité de la conception du trépied photo. Et là aussi toutes les solutions proposées ne se valent pas.
- Le serrage de sections de jambes: Deux écoles: les clés qui s’ouvrent et se ferment d’un geste (spécialité Manfrotto à une certaine époque): ultra rapide à l’usage, mais prend de la place, gêne la mise en housse, et demande à être resserré de temps en temps.
- Les colliers vissants (spécialité historique Gitzo) aucun encombrement, quasi inusable, mais on se trompe souvent de sens de serrage sur le terrain, et personne n’est à labri du syndrome du sens de vissage. Devenu dominant sur le marché.
- Le système d’ouverture des jambes qui permet au pied d’être au ras du sol. Plus ou moins astucieux, donc facile à mettre en œuvre et solide. Ce n’est pas un détail. C’est aussi lui qui permet la réversibilité des jambes pour le portage et donc la compacité.
- La colonne centrale avec la rotule se remonte et les jambes se replient autour. Ce système réduit l’encombrement de la hauteur de la rotule, généralement ~15cm.
- Le niveau à bulle, souvent installé(s) sur la rotule. Séduisant mais insuffisant, car si le pied n’est pas parfaitement d’aplomb, chaque rotation de la rotule exigera un nouveau réglage. Le niveau électronique intégré aux boitiers est très bien aussi, mais il est nettement plus commode de régler l’aplomb du trépied photo sans boitier qu’encombré de celui-ci.
Le prix
Le panorama est assez simple et comporte deux catégories :
Les hors concours
GITZO, la Rolls ou le Humvee, du trépied photo, selon vos goûts et vos références. Un must, chouchou des japonais. Matériaux haut de gamme (Gitzo n’utilise pratiquement plus que la fibre de carbone, beaucoup le magnésium), design raffiné, matériel increvable, mais … un monopode GITZO coûte le prix d’un pied chez les concurrents. Manfrotto c’est la Land Rover du trépied photo. Increvable également, très bien conçu. Un placement. La première impression est que (presque) tous les autres ont copié, je ne me prononcerai pas. Les catalogues des deux marques sur internet représentent plus de la moitié des offres… Ne propose qu’un an de garantie, on ne s’en sert jamais vous dira-t-on. Il aurait été élégant de proposer une garantie à vie…
Les autres marques
proposent des matériels très proches que les mauvais esprits qualifieront de copies. Ce ne sont pas des copies serviles qui tomberaient sous le coup des lois, même fabriquées en RPC (China). Et elles proposent également un catalogue beaucoup plus ciblé grand public. Tous sont séduisants, certains d’entre eux sont visiblement de bons outils, d’autres sont plus tendance, sans démériter non plus. Les tarifs sont dans un mouchoir de poche, on se surprend à imaginer la profitabilité de ces produits … de la RPC. Deux exceptions. Cullmann, par les caractéristiques un peu au dessus de la moyenne et ses 10 ans de garantie et Amazon avec un tarif qui fait douter de ses propres connaissances économiques. Le seul défaut de certains de ces produits et leur stabilité avec un ensemble boitier-objectif qui flirte avec les 2 kg.
Le travail avec un trépied photo
On considère souvent que l’utilisation d’un pied correspond et se limite au besoin de pose longue. C’est vrai que la pose longue demande un pied, mais ce n’est pas la seule raison. L’autre raison, beaucoup plus universelle, c’est le besoin d’un cadrage soigné. Le temps nécessaire à la mise en place d’un pied ne se justifie que s’il est suivi d’un cadrage «aux petits oignons». Sinon, c’est du gaspillage. Le choix d’un pied/rotule, puis son utilisation sont deux moments d’une pratique cohérente: faire des photos en prenant son temps, de façon réfléchie, posée. On choisit soigneusement le pied pour qu’il corresponde à ses besoins, à ses pratiques photographiques, à son envie … et à son budget. Alors le pied choisi apportera les satisfactions qu’on en attend.
Sur le terrain, on choisit l’endroit où l’on va poser son pied en fonction du cadrage général souhaité, et de la possibilité physique d’y installer le pied. C’est dans ces moments là que celui-ci montre toutes ses possibilités de positionnement haut, bas, angles d’ouverture des jambes, permettant de s’adapter à la majorité des configurations de terrain, jusques et y compris des cas acrobatiques comme 2 jambes (longues) par terre, la 3ème (courte et très ouverte) sur une table ou sur un muret, ou encore dans une voiture, l’appareil positionné vers l’avant, au milieu de l’habitacle, une jambe (à mi-longueur et très ouverte) passant devant le volant, la seconde dans la même position, mais vers la droite, calées toute les deux sur les angles inférieurs du pare brise, et la 3ème jambe passant entre les sièges avant pour se caler au fond de la banquette arrière.
Cette dernière installation prenait 20 à 25 mn de mise en place pour des prises de vue durant chacune entre 2 et 5 mn en roulant sur le boulevard périphérique à Paris, sur de portions bien garnies de publicités lumineuses. Les cas évoqués ici sont des cas extrêmes, mais ce sont justement ces cas extrêmes, où, sans pied, la photo est impossible, mêmes avec les ressources numériques. Car il y a vraiment des choses que même Photoshop ne peut pas faire.
Les produits phares
On nous excusera de ne pas tous les présenter ici. Ont été privilégiés des modèles à prix abordables, présentant des caractéristiques sérieuses et pouvant satisfaire la plupart des photographes amateurs et néanmoins exigeants.
MARQUE Modèle poids / charge admise (kg) dimensions H maxi/mini / replié (cm) nombre sections / angles / inversion colonne reversible/inclinable Rotule fournie niveau à bulle accessoires (sac, pieds métal...) garantie prix
MANFROTTO MK191X3-BH 2,4 / 6 170 - 5,5 -replié 65 3 simple non oui non 1 an 219€
MK290DUA-3W 2,6 / 4 175 - 5,5 -replié 74 3 4 angles non oui - oui non non 1 an 226€
MK293C4-A0RC2 carbone 1,6 / 4 147,5-37,5-replié 53 4 2 angles non simple oui non 1 an 199€
Befree 1,3 / 205 130-34-replié 32 4 2 angles oui simple oui non 1 an 149€
BENRO Adventure série 1 1,94 / 5 153-39 - replié 58,5 4 non nc 5 ans 189€
Kit MACH 3 1,8 / 8 154-39,5- replié 59 4 oui- non B1TMA18AB1 oui sac - pointes acier
+ colonne courte5 ans 219€
kit MACH 3 carbone 1,52 / 8 154-39,5- replié 59 4 oui- non B1TMA18AB1 oui sac - pointes acier 369€
kit Velocity série 1 1,64 / 6 148,5- 41,5-replié 55 4 oui oui - oui FVY18A1HO oui sac - pointes acier 189€
Adventure Mach 3 1,75 / 12 164- 38,5- replié 62,5 3 sac - pointes acier 149€
BILORA Colorlux II Noir 1,52 / 6 161-19,5- replié 44,5 4 oui oui- non+monopode oui oui 2 sac+ ceinture monopode 1 an 119€
CULLMANN Concept One 622T 1,42 / 5 136-23- replié 34 4 oui oui nc 10 ans 139€
MeFOTO Backpacker couleur 1,2 / 4 134-43- replié 32 5 oui oui-non rotule ball oui nc 5 ans 147€
Backpacker noir 1,2 / 4 134-43- replié32 5 oui oui-non rotule ball oui nc 5 ans 139€
Road Trip 1,6 / 8 156- replié 39 5 oui oui-non rotule ball oui nc 5 ans 179€
SIRIU kit Ultralight T004X 0,9 / 6 139-12,5-replié 40 4 oui-non rotule C10X non nc 6 ans 169€
Amazon basics 1,65 / 4 157- ~30- replié 52 4 oui -non rotule ball oui sac nc 55€
Illustrations
Quelques conseils en guise de conclusion. Le point faible principal d’un pied est la partie qui réunit les jambes et la fixation de la colonne centrale. Cette pièce assure le coulissement de la colonne, la fixation et l’articulation des jambes. Cette pièce subit les plus grosses contraintes mécaniques du pied. Elle doit être bien conçue pour être commode, robuste et si possible légère. Prenez très au sérieux le poids maximum de l’ensemble boitier-objectif que vous aurez à utiliser et la capacité de charge supportée par le pied. Prenez une marge. Enfin, pour la stabilité, considérez que plus un pied comporte de sections de jambe, moins il est stable. La contradiction entre compacité d’un pied replié et sa hauteur déplié/stabilité est un problème insoluble. Ce choix sera forcément un compromis. Plus un pied étiré est haut, donc confortable pour les photographes de plus de 1m70, moins il est stable.
Enfin un autre article sera consacré aux rotules.