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Pentax, rumeurs et réalité sur le marché de la photo

Rumeurs

Les nouvelles et rumeurs sur le marché photo vont bon train ces jours-ci. 260 millions de dollars de pertes pour Nikon sur les 9 derniers mois de l’année 2016. 80 millions de pertes pour le groupe Ricoh, Panasonic qui amorcerait un retrait du paysage photographique et Pentax qui baisserait le rideau. Sans compter Ricoh Imaging qui perdrait l’usage du nom Pentax courant 2019. Voilà tout ce qu’on peut lire chez certains. Dès lors, avec toutes ces alarmes, il y a de quoi se poser des questions, surtout que certains n’hésitent pas à en rajouter.

Ce qui est vrai, c’est les pertes et les restructurations. Avec un marché des boîtiers numériques en 2016 moitié moindre que celui de 2014, soit moins de 23 millions, il ne peut en être autrement. Les premiers chiffres du premier trimestre 2017 montrent que la baisse continue, ce qui veut dire qu’on n’a pas encore touché le fond ! C’est extrêmement préoccupant pour tous les constructeurs.

Ce n’est plus une stagnation, c’est un véritable effondrement que le marché a connu ces dernières années. Les raisons sont multiples, même si deux d’entre elles sont prépondérantes :

  • La montée en puissance des smartphones
  • L’innovation moindre des reflex

C’est dans ce contexte que certaines rumeurs venant du Japon ont pu laisser entendre que Ricoh arrêterait les activités Pentax et GR…

 

Coupons court aux rumeurs colportées

Ricoh va-t-il baisser le rideau ?

C’est l’information mise en ligne par photorumors, reprise par des sites de photographes supporteurs à tous crins de la marque Canon (laissant entendre qu’il n’y a pas de fumée sans feu, et donc que c’est réel). Et les titres utilisés ne laissent guère de doute.

Photorumors explicite
Photorumors, une rumeur sans dentelle !

 

Mais pourtant… Comme pour tous les autres constructeurs, l’activité photo de Ricoh (Pentax et la gamme GR) est déficitaire. Comme Nikon, comme Panasonic et sans doute Canon. Pour la plupart de ces marques, le groupe père est suffisamment fort pour encaisser les pertes. Mis à part Nikon qui n’a pas grand-chose en dehors de la photo (qui doit représenter environ 70% du CA global).

Alors, que se passe-t-il pour Ricoh ? Pentax paye aujourd’hui les choix stratégiques d’Hoya de se désengager, en termes de nouveaux produits, de recherche et développement (R&D). Les parts de marché ont connu alors une nouvelle descente aux enfers, jusqu’à devenir ridicules au moment du rachat par Ricoh. Sur l’année 2016, effet K-1 oblige, le CA de la division photo est en hausse d’environ 3,5% (chiffre qui sera confirmé vers le 28 avril). Ce qui est encore insuffisant, mais qui est encourageant au vu du contexte global de la photo (les constructeurs qui ont un CA en progression sont très rares).

Et que va-t-il arriver ? Depuis 2 ans environ, Ricoh-Imaging se focalise sur les activités haut de gamme. Après avoir vu disparaître progressivement les compacts qui ne se vendaient plus, le même phénomène a commencé pour les reflex d’entrée de gamme. Ce point a déjà été abordé ici. Certains s’en sont émus, à juste titre. Oui, il est dommageable d’arrêter un segment. Oui, on se coupe d’une frange d’acheteurs.

Mais voilà, cette frange, de plus en plus étroite, est presque totalement cannibalisée par Canon. Or on constate que malgré les volumes, Canon semble déficitaire sur cette ligne de produit. Par contre, la firme continue, parce que les ventes des appareils dont le prix est supérieur à 650 € permettent plus ou moins de combler.

Restructuration des activités

Ricoh va accentuer cette focalisation sur les produits haut de gamme. Cette stratégie, qui vise la valeur plutôt que le volume, est commune à tous les constructeurs photo, n’en déplaise à certains. Sans compter la recherche de nouveaux débouchés autour de l’imagerie. Pour Ricoh, cela a commencé avec le Theta qui remporte un énorme succès. Il y en aura d’autres comme l’imagerie embarquée destinée au monde automobile (Sony semble aussi très intéressé par ce nouveau segment). Pentax et ses reflex à forte valeur ajoutée (K-70, KP, K-3II et son successeur, K-1) et la famille Theta vont perdurer. Très vraisemblablement aussi les GR, même si on peut supposer que les modèles à venir ne seront pas légions.

Quant à ce qui va changer aussi, c’est l’affectation des lignes de production. Une rationalisation drastique va avoir lieu, une partie des usines étant réaffectées à d’autres activités, plus rentables.

C’est donc des restructurations qui sont entreprises dans tous les groupes photographiques. Elles sont nécessaires. Mais tous n’en parlent pas forcément.

La possibilité d’un arrêt des marques Pentax est faible, du moins dans les 5 ans à venir. Mais le secteur photo est grandement sinistré et rien n’indique un changement d’orientation du marché, ni même une stabilisation. Dès lors, toutes les marques sont concernées par un éventuel arrêt. Et elles vont devoir aussi augmenter encore les tarifs. Même le sacro-saint Canon, que certains vénèrent au-delà de toute mesure, est concerné par un éventuel arrêt (même si c’est plus lointain, nettement).

Sur la perte de l’usage de la marque Pentax, il est vrai que Hoya reste le propriétaire. Mmais je vois mal Ricoh Imaging laisser filer l’usage commercial en matière photographique, surtout à l’orée du prochain centenaire de la marque.

La montée inexorable des smartphones

Ce point a déjà été abordé de nombreuses fois sur PentaxKlub. Les mois passent et le constat reste le même, les smartphones ont détruit le marché des compacts et ont sérieusement entamé le marché des reflex et hybrides d’entrée de gamme. Ces appareils à tout faire prennent peu de place et offrent une qualité photographique suffisante pour de très nombreuses personnes. Les mêmes qui achetaient des compacts à tour de bras dans les années 2000. Maintenant, c’est leur smartphone qui change tout aussi souvent.

campagne pub iPhone
campagne pub iPhone

 

Les campagnes de pub régulières pour l’iPhone d’Apple dans le métro ou dans les rues ont parachevé la mutation des habitudes. Quand on voit les prouesses permises, même si les photos ont fait l’objet d’amélioration pour grand tirage, pourquoi acheter un reflex ou un hybride ? Huawei a bien compris et s’est associé avec Leica pour produire ses P9 et 10. Un succès là aussi qui renforce la nouvelle prédominance des smartphones.

Huawei P10 Leica
Huawei P10 Leica

 

Mais mis à part Leica et un peu Kodak par le jeu des licences, les autres constructeurs restent à l’écart de ce marché. Étrange et dangereux.

Le manque d’innovation

La sortie du D7500 reflète bien le problème actuel : les boîtiers ne sont plus innovants depuis 3 ans environ. Or, qu’est-ce qui motive les acheteurs à changer d’appareil ? Tout simplement le fait que le nouveau modèle apporte un réel plus. Cela peut-être au niveau du capteur (plus de résolution en termes de pixels par exemple), ou autre. Mais si un boîtier est très similaire, l’acheteur va réfléchir très longtemps et souvent, il ne sautera pas le pas. Parce que le gap entre les modèles ne sera pas assez important.

Reprenons l’exemple du tout nouveau D7500. Qu’est-ce qui change ? Nikon a pris le capteur du D500 pour l’intégrer dans le boîtier et l’électronique du D7200. Nikon conserve le même AF, une électronique similaire et passe de 24Mpx à 20mpx ! Il va falloir vendre cette idée aux acheteurs potentiels ! Prenez le 20mpx, c’est mieux que le 24mpx… Ce n’est pas gagné d’avance. Mais ce phénomène n’est pas propre à Nikon, c’est juste le tout dernier exemple. Chez Pentax, K-70, KP et K-3II partagent le même capteur (avec des itérations différentes), dont la conception originelle est ancienne puisque déjà utilisé sur le K-3 ! Quant à Canon, faudra expliquer les réelles différences entre les diverses évolutions de D750, D760, D800…

Fuji, en se montrant innovant avec ses capteurs et ses modèles hybrides attrayants (même si le viseur numérique reste largement améliorable ), s’est imposé sur le marché. Avec à la clé, un succès critique et financier largement mérité. Il est possible que le fait de partir d’une feuille blanche, sans héritage, ait permis à Fuji de casser un certain nombre de carcans. Il est indéniable que la monture K, avec ses spécifications actuelles, empêche Pentax d’avoir une vraie innovation sur le marché des hybrides. Et tant que Ricoh n’aura pas pris de décision sur ce sujet (K actuelle ou nouvelle monture), il n’y aura pas d’hybride Pentax.

Comment innover ?

Une piste serait de surfer sur le renouveau des appareils analogiques. On voit bien que les vinyles phonographiques ont fait un retour en force ces dernières années. Idem pour les films tournés en argentique qui retrouvent une certaine jeunesse avec des réalisateurs qui refusent le tournage numérique.

Certes, il s’agit d’un marché de niche, mais il n’est pas interdit de penser qu’un ME qui sortirait aujourd’hui rencontrerait un succès très intéressant. Il ne s’agit pas de proposer un appareil très sophistiqué, mais un boîtier basique, propre et accessible.

Pentax ME
Pentax ME

 

On voit bien que les appareils de type Polaroid rencontrent un marché. Alors pourquoi par un ME des années 2020 ?

En parlant justement des appareils type Polaroid, pourquoi Ricoh ne se lancerait-il pas dans la danse ? Avec les technologies dont elle dispose avec son immense R&D, la firme devrait avoir la possibilité de proposer sa propre version. Il n’est pas impossible que des professionnels (ou amateurs éclairés) soient aussi intéressés par ce type d’appareils afin de montrer rapidement au client une idée du résultat final.

Il doit exister d’autres pistes à explorer pour innover et proposer aux acheteurs des produits vraiment nouveaux.

La raréfaction des concepteurs et fabricants de capteurs

Si Canon a sa propre division de capteur, ce n’est pas le cas de nombreuses autres firmes photographiques. Les rachats successifs par Sony des autres concepteurs ont aussi contribué à réduire les possibilités. Or Sony semble vouloir se réserver pour lui les meilleurs capteurs, obligeant Nikon et Pentax (et peut-être d’autres constructeurs) à se montrer moins innovants.

Il va donc falloir se démarquer. C’est ce que tente de faire Pentax avec une électronique de pointe en matière d’ISO. Ce que permettent les tout récents boîtiers K-70, KP et K-1 est particulièrement impressionnant avec des images exploitables jusqu’à 25600 ISO (ou plus). Mais la firme communique assez peu dessus. Idem pour la technologie PixelShift.

Et si se démarquer ainsi n’est plus possible, alors investir dans la conception de capteurs deviendra nécessaire, surtout quand Canon et Sony indiquent avoir dans leurs cartons des capteurs à 100, 150 voire 200 millions de pixels.

 

 

Si l’innovation ne reprend pas le dessus, le marché va continuer à baisser. Le pire, c’est que cette innovation risque de ne pas suffire, car personne ne connaît réellement l’état d’esprit des acheteurs. Mais si on ne propose pas de produits intéressants, on ne leur redonnera pas le goût de l’achat.

Cela vaut aussi pour Pentax.

 

Cet article, sur le devenir du marché de la photo devait paraitre début mai. Mais l’annonce de la mort de Pentax ne pouvait nous laisser indifférent. Il a donc été adapté et avancé à aujourd’hui.

8 réponses

  1. Une autre piste serait peut-être la location de matériel, notamment lors d’avènement sportifs.

    Ou encore, les formations grand publiques, à la manière de la Nikon school.

    Après, je crois que le vrai problème de Pentax, c’est le manque d’image. C’est peut-être dans la communication, que Ricoh devrait investir. Par exemple, sponsoriser quelques grand photographe, organiser des concours mettant en valeur les qualités de leur appareil (notamment la tropicalisation).

    1. Les pistes sont nombreuses et certaines meilleures que d’autres. Mais va falloir innover et pas stagner, sinon c’est toute le monde photo qui va se casser la figure.

  2. malheureusement c’était attendu. C’est la crise pour beaucoup de fabricants et ce n’est pas fini. c’est assez triste de se dire que dans les 5 ans ou 3 ans au pire, nos beaux objectifs auxquels on a parfois beaucoup investi perdront 70% de leur valeur dès lors que la marque s’arrêtera. Car sans ricoh, aucun repreneur n’ira s’aventurer à reprendre une marque qui pèse si peu dans l’écosystème photographique contrairement à nikon par exemple.
    Partir dans le haut de gamme, pourquoi pas, mais 1. tout le monde part dans cette direction et n’est pas forcément synonyme de succès et 2. ce n’est pas la culture et l’image de pentax qui, pour attirer de nouveaux clients, mettait en avant leur rapport qualité-prix parfois supérieur aux mastodontes
    fuji a eu la bonne idée d’avoir une vache à lait avec le système intax qui lui permet de financer le développement du système x, c’est pas avec le développement du système théta que pentax va renouer avec les profits.
    bref, c’est le genre de nouvelles qui va inciter les clients à être attentistes et frileux et pas du tout à augmenter les ventes, pourtant si essentielles pour pentax. Quelle drôle de communication…

    1. La communication sur la mort de Pentax n’est pas venu de Ricoh mais d’un site de rumeur. Ricoh a d’ailleurs très rapidement démenti, mais l’idée première a été enraciné. A se demander à qui profite le « crime ».

      La gamme Theta est très très rentable. Et la gamme reflex regagne quelques parts de marché.

      Par plus haute valeur ajouté, faut comprendre que le segment des boitiers à moins de 600€, il est mort. Et cela se verra à terme partout. Faudra débourser entre 700 et 1500 pour un APS-C à l’avenir. Mais quelque part, c’et déjà le cas.

      Pour finir, ce n’est pas que sur Pentax qu’il faudrait se montrer attentif et frileux, mais toutes les marques. Toutes sont en fort danger au vu du rétrécissement du marché.

      Après je trouve assez scandaleux ce type de rumeur qui créé des dégâts importants dans la tête des gens. Même chose pour ceux qui disent que Pentax est mort alors que ce n’est pas le cas. Même peut-être est-ce une vraie volonté de la part de ces personnes !!

  3. J’ai acheté mon K-5 en 2012, au prix de 820€ pour le boîtier seul, dont je suis très satisfait. Après cinq ans, je serais disposé à réinvestir pour un appareil de classe comparable. Pour déclencher un achat, il faudrait que le nouveau modèle de mon choix réunisse les conditions suivantes:
    – une gamme de prix voisine,
    – qu’il ait bénéficié de cinq ans de progrès technique, c’est-à-dire que, globalement, il présente un progrès significatif et que, dans le détail, il soit supérieur ou égal par rapport à mon modèle actuel dans l’ensemble de ses caractéristiques.

    Que me propose Pentax aujourd’hui ?
    – Un K-3 II à 1000€ (+20 % par rapport au K-5), qui ne présente que des améliorations très marginales (autofocus) qui est légèrement en retrait sur d’autres aspects (hauts ISO), agrémenté de fonctions anecdotiques (GPS, astro-tracing)
    – Un KP à 1300€ (+60 %), qui marque un progrès net en matière de sensibilité (très bien), mais qui est en net retrait sur d’autres (autonomie) et qui présente un choix d’architecture aberrant (poignées amovibles creuse plutôt qu’une plus grosse pile)
    – Un K-1 à 2300€ (3 fois le prix du K-5), qui a de grandes qualités pour un prix très élevé, mais ne répond pas à mon attente de base (qualité, rusticité, compacité et légèreté).

    Le nouveau modèle APS-C situé au-dessus du KP pourrait correspondre à mes attentes (à condition qu’il ne souffre pas lui aussi de choix aberrants), mais à 1600€ (le double du K-5) je risque fort de passer mon tour et d’attendre que le K-5 rende l’âme avant de passer à autre chose.

    L’innovation est en panne et le segment de marché que je représente (suis-je vraiment tout seul ?) a été abandonné. Tout est en place pour que les ventes continuent à baisser et les prix à augmenter, jusqu’à ce que mort s’ensuive.

    1. Bonjour,
      Avoir un KP dans le style « K-5 » à 800 €, malheureusement, c’est impossible. Tous les constructeurs augmentent leurs tarifs, ce qui est logique vu le taux de change Euro/Yen et vu les ventes divisées par 5 entre la sortie du K-5 et aujourd’hui. Vous n’êtes peut-être pas d’accord, mais il s’agit de la réalité économique. Le Nikon D7500 est mis en vente à plus de 1500 € boîtier nu.
      Si votre segment c’est d’avoir l’équivalent d’un K-1 ou d’un K-P dans le style K-5 à 800 €, alors oui, les constructeurs vont ont abandonné.
      Quant au flashgrip du KP, quand je l’ai vu la première fois, je n’ai pas aimé. À l’usage, il en a été autrement. Cette « innovation » a permis au KP de rencontrer un public plus esthète, plus féminin parfois, attiré par une poignée plus adaptée à leur main. Son seul vrai inconvénient reste pour moi la batterie.

  4. D’autant plus (cf dernier Chasseur d’Image) que Nikon est victime du même style de rumeurs non fondées et démenties par la marque.

  5. Le but d’un appareil photo pour moi c’est prendre de bonnes photos la vidéo le wifi le gps etc. je m’en fout les appareil monte en prix avec tous ces gadgets et on coupe sur des boitier plastique ou des accessoires.